Nous accueillons très positivement l’attitude d’Adidas qui a accepté de dialoguer avec le Collectif Ethique sur l’étiquette, à la différence des 2 autres marques, qui ont refusé tout échange pour Nike, délégué leur agence de communication pour nous répondre pour Puma.
– Sur le déplacement de sa production depuis la Chine, où les salaires ont considérablement augmenté, vers le Vietnam, le Cambodge ou l’Indonésie, où le coût de la main d’œuvre est bien moins élevé :
Adidas évoque la relative pénurie de main d’œuvre qualifiée en Chine dans le secteur textile, désormais employée dans d’autres secteurs comme l’électronique. Le Vietnam ou l’Indonésie seraient désormais mieux placés pour produire des chaussures de sport de qualité. Adidas réfute baser ses choix sur le coût de la main-d’œuvre. L’entreprise a toujours poursuivi une stratégie multi-pays ; ils sous-traitent en Indonésie depuis 30 ans.
Nous répondons que l’élévation du niveau de vie d’un pays va de pair avec le développement de secteurs à plus haute qualification, et donc valeur ajoutée, et ainsi plus rémunérateurs pour les travailleurs. La qualification va de fait de pair avec une rémunération à hauteur. Maintenir une pression sur le coût du travail ne conduit pas à investir dans la formation de la main d’œuvre, et une production de qualité. Ni à une vie de qualité pour les millions d’ouvriers du secteur. En outre, des documents internes, publiés dans notre rapport, ont montré que la sortie de la Chine comme pays à bas coût de main d’œuvre est bien un élément déterminant du choix de délocalisation de la production.
– Sur le développement, par son action, du droit de négociation collective en Indonésie :
Adidas évoque son rôle de leader dans la signature d’un Protocole d’accord sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective en Indonésie, avec les syndicats locaux et internationaux. 80 % de ses unités de fabrication ont des procédures de négociation collective, qui ont conduit à des salaires bien au-dessus des niveaux légaux.
Nous rappelons que le Protocole d’accord sur la liberté syndicale en Indonésie, pour lequel nous reconnaissons qu’Adidas a joué un rôle important, signé par 8 marques mondiales de sport et les syndicats indonésiens, est le produit de 8 années de mobilisation internationale, menée par les syndicats indonésiens, le Collectif Ethique sur l’étiquette et ses alliés de la campagne Play Fair, lors des Jeux Olympiques. Il a permis un développement considérable de syndicats dans les unités de production du pays. Cet accord doit désormais être élargi pour intégrer d’autres fournisseurs, et s’ouvrir aussi à la question du salaire vital.
– Sur sa responsabilité de donneurs d‘ordres à favoriser des négociations salariales annuelles et une élévation du niveau des salaires :
Adidas renvoie vers sa déclaration sur les salaires sur son site web : ils ne souhaitent pas interférer dans les négociations entre Etats et syndicats. Ils indiquent pourtant que leurs pratiques commerciales ne peuvent entrer en contradiction avec leur soutien à une augmentation du salaire sectoriel dans les pays où il sous-traite sa production.
Nous répondons… que ces deux positions sont contradictoires. Le "laisser-faire", sous couvert de ne pas risquer l’ingérence dans les affaires nationales d’un pays, ne peut constituer une excuse, qui permet aux multinationales de profiter d’un déficit de législation, ou d’Etats défaillants. Ne pas être pro-actif sur la question des salaires est une attitude irresponsable au regard du poids économique que représente Adidas. C’est dans le signal qu’adresseront les donneurs d’ordres internationaux aux Etats, selon lequel une augmentation du salaire minimum ne conduira pas à des délocalisations de production vers des pays à plus faible coût de main d’œuvre, et dans la construction du prix imposé aux fournisseurs sur la base d’un salaire vital, que nous pourrons mesurer la reconnaissance par les multinationales du droit à un salaire décent.
– Sur les choix de pays moins-disant socialement, offrant des salaires en deçà des minima vitaux :
Adidas répond que la définition du prix négocié avec les fournisseurs prend en compte les salaires acceptés par les parties. Il indique qu’au Cambodge, le salaire moyen des ouvriers de ses 22 usines est de 235 dollars, bien au-dessus du salaire minimum en vigueur. Dans ses usines au Vietnam, il fait appel à des travailleurs qualifiés, qui bénéficient de meilleures conditions de travail et salariales ; les niveaux des salaires sont également plus élevés au Vietnam que les salaires légaux.
Nous répondons que nous attendons avec impatience des documents permettant d’étayer ces déclarations qui ne reposent que sur la bonne foi de leurs auteurs. Nous attendons qu’Adidas publie les salaires moyens, mais aussi le volume horaire travaillé, choisi et imposé, pour l’atteindre, et la présence ou non de syndicats dans ces usines.
En outre, c’est dans l’ensemble des usines sous-traitantes d’Adidas, et des autres marques de sport, qu’un salaire décent doit être atteint.
– Sur le lean management, et l’utilisation de cette technique pour "optimiser", soit minimiser les coûts de production :
Adidas répond que le lean management est un processus efficace de production. Correctement mis en œuvre, il permet aux travailleurs de voir leur salaire majoré par un système de bonus et de primes, tout en réduisant leurs horaires de travail.
Nous répondons que ce n’est pas au travailleur de s’assurer un salaire décent en multipliant les heures supplémentaires ou en étant incité à améliorer sa productivité pour arracher des bonus. C’est son salaire de base qui doit au minimum lui permettre de subvenir à ses besoins fondamentaux et à ceux de sa famille. Ce dernier doit être assuré, si l’Etat est défaillant et le salaire minimum légal négocié équivalent à un salaire de pauvreté, par le donneur d’ordre dans la construction de son prix de production.
– Sur la dichotomie investissement sur-dimensionné dans le sponsoring / pays de production où les salaires sont inférieurs aux salaires vitaux locaux
Adidas répond que les aspects financiers de sponsoring n’ont aucune incidence sur la gestion et la certification des conditions de travail dans la chaîne d’approvisionnement.
Nous répondons qu’Adidas ne répond pas à notre question du choix économique : alors que ses dépenses de sponsoring augmentent de plusieurs dizaines de millions d’euros d’années en années, il n’investit pas dans le même temps dans l’amélioration des salaires de ceux qui réalisent ses produits et contribuent à sa croissance économique, et augmente son approvisionnement en provenance de pays où les salaires moyens se situent en dessous des salaires vitaux locaux.
La réponse complète d’Adidas, adressée à Business and Human rights ici