Communiqué de presse – 24 avril 2020
L’anniversaire du plus grave accident survenu dans l’industrie de l’habillement se déroule dans le contexte d’une crise sanitaire mondiale qui affecte de manière directe ses travailleur.euse.s, privés de leur travail mais surtout de leur salaire, victimes subites de la loi du seul marché et des comportements court-termistes des donneurs d’ordre. 7 ans après la prise de conscience internationale sur le secteur, d’effondrements d’immeubles en pandémies, combien de catastrophes encore pour que des mesures contraignantes sanctionnent les comportements économiques qui violent les droits fondamentaux ? Il faut élaborer un devoir de vigilance international.
La pandémie de COVID-19 a mis en lumière de manière brutale la précarité extrême des ouvrier.e.s de l’habillement, dont les conditions de survie, en l’absence de systèmes nationaux de protection sociale, sont étroitement liées aux fluctuations de l’économie – et au comportement des multinationales. Au Bangladesh comme ailleurs dans le monde, ils sont des milliers à avoir perdu en quelques jours travail et moyens de subsistance.
Les grandes enseignes ont eu des réflexes délétères face à la chute drastique de la consommation de vêtements : nombre d’entre elles ont annulé des commandes, pour certaines déjà produites, auprès de leurs fournisseurs, usant de manière abusive d’une clause de « force majeure » dans des contrats déjà majoritairement en leur faveur, faisant peser le risque sur les maillons les plus faibles de la chaîne.
Ce comportement irresponsable en a entraîné d’autres : fermetures d’usines du jour au lendemain, renvoi des travailleur.euse.s sans préavis et non versement des salaires dus, ajoutant de l’insécurité à la pauvreté chronique. Faut-il rappeler que le salaire minimum mensuel du Bangladesh demeure, 7 ans après le Rana Plaza, le plus bas du monde, à 87 euros ? Il en faudrait presque 5 fois plus pour atteindre un salaire vital selon l’Asia floor wage Alliance (403 euros). La demande collective des syndicats lors des manifestations de 2019, durement réprimées, s’élevait à 174 euros minimum, le double du salaire actuel.
De catastrophes évitables en violations massives, de pratiques commerciales irresponsables en green ou socialwashing, la fatalité de la loi du marché au détriment des droits fondamentaux ne doit plus perdurer. C’est le modèle économique d’un secteur toujours fondé sur la minimisation des coûts de main d’œuvre qu’il faut démanteler.
Dans l’immédiat, nous enjoignons les donneurs d’ordre du secteur à se reprendre et à assumer leur obligation de vigilance : honorer leurs commandes, les rééchelonner le cas échéant, accompagner leurs fournisseurs dans le versement des salaires et des éventuelles indemnités de leurs employé-e-s, assurer leur protection ou le droit à un arrêt maladie pour celles et ceux atteints du coronavirus ou en présentant des symptômes.
Au-delà, il est grand temps d’élaborer un devoir de vigilance international : au travers d’une directive européenne ; au travers d’un traité onusien, en discussion depuis 2014, dont ni le contenu ne devra être édulcoré, ni l’ambition, réduite.
La société civile le demande de manière concertée depuis de nombreuses années.
Plus d’infos :
– campagne « StopImpunité »
– document « Rana Plaza, 7 ans déjà » : le Bangladesh à l’heure de la pandémie de COVID-19
– nos demandes aux acteurs du secteur de l’habillement
Contact presse : Nayla Ajaltouni – n.ajaltouni@ethique-sur-etiquette.org