Le dossier relancé ? Une nouvelle plainte a été déposée à Paris après un premier classement de l'enquête visant des géants de l'habillement tels Uniqlo et Inditex, accusés d’avoir profité du travail forcé des Ouïghours en Chine.

Avec cette plainte déposée, ce mardi 16 mai, l'association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l'étiquette, l'Institut ouïghour d'Europe (IODE) et une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine) visent les infractions de recel de quatre crimes : crimes contre l'humanité, génocide, réduction en servitude aggravée et traite des êtres humains en bande organisée.

Le pôle « crimes contre l'humanité » du Parquet national antiterroriste (Pnat) a classé en avril dernier une enquête préliminaire ouverte en juin 2021 après une première plainte.

Le Pnat s'était alors estimé « incompétent » car le cœur des crimes visés était susceptible d'avoir été commis en Chine par des entreprises chinoises, fournisseurs des géants du textile dénoncés dans la plainte, selon une source proche du dossier.

Cette analyse juridique avait suscité « l'incompréhension » des plaignants, dont la plainte initiale était fondée sur un rapport publié en mars 2020 par l'ONG australienne ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Avec cette nouvelle plainte, l'avocat des plaignants, Me William Bourdon, espère la « reconnaissance de la compétence » de la justice française « sur le fondement du recel de crime contre l'humanité ».

Des marques comme Uniqlo, Zara et Sandro pointées du doigt

Les plaignants reprochent à Uniqlo France (propriété du groupe japonais Fast Retailing), Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), SMCP (Sandro, Maje, de Fursac...) et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïghours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé. Leur nombre est parfois évalué à plus d'un million.

« Un vêtement en coton sur cinq pourrait être entaché par le travail forcé des Ouïghours », estiment les ONG, pour qui les sociétés n'exercent pas de contrôle suffisant auprès de leurs sous-traitants.

Des accusations infondées ?

« Les entreprises textiles devront rendre des comptes » pour « s'être enrichies en connaissance de cause, au prix des crimes internationaux les plus graves, à l'envers d'une communication éthique de pure façade », a ajouté Me Bourdon. Les quatre groupes contestent tout recours à du travail forcé.

Sollicité ce mercredi 17 mai, Inditex a indiqué avoir « publiquement commenté, et à plusieurs reprises, que ces accusations sont infondées » : « Le groupe effectue des contrôles rigoureux de traçabilité pour s'assurer de la provenance de ses produits et pratique la tolérance zéro à l'égard de toute forme de travail forcé ».

Le groupe SMCP a, quant à lui, dénoncé des « accusations calomnieuses » et une « instrumentalisation de la justice », « d'autant plus infondée que le SMCP a été retiré en 2022 du rapport de l’ONG ASPI, qui avait servi de base au dépôt de la première plainte ».

Le groupe Fast Retailing a, quant à lui, indiqué « n'avoir pas été notifié de cela par les autorités. Si nous le sommes un jour, nous coopérerons pleinement avec l'enquête pour redémontrer qu'il n'y a pas de travail forcé dans nos chaînes d'approvisionnement ». De son côté, Skechers n'a pas réagi dans l'immédiat.

Outre ces quatre groupes, d'autres grands noms du textile (Nike, Adidas, Shein...) ou d'autres secteurs de l'industrie sont visés par des accusations comparables.

Certaines marques se sont engagées ces dernières années à ne pas utiliser de coton du Xinjiang (un cinquième de la production mondiale), mais peinent à montrer patte blanche face à des sous-traitants en cascade.

Crimes contre l’humanité

Depuis plusieurs années, les autorités chinoises sont accusées par les pays occidentaux d'avoir massivement enfermé des Ouïghours et des membres d'autres minorités majoritairement musulmanes, y compris des Kazakhs, dans des camps de rééducation, après des attentats sanglants dans le Xinjiang.

Washington et plusieurs pays évoquent un « génocide » et l e Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme évoque des crimes contre l'humanité, des accusations rejetées par Pékin qui qualifie ces camps de centres de formation professionnelle destinés à combattre l'extrémisme religieux et assurer la stabilité sociale.