En toute transparence : quand la mode s’engage

publié par Caroline Hamelle le 30•12•2017
modifié il y a 3 mois
En toute transparence

En France, différents acteurs d’une mode plus engagée montent au front. Les frémissements d’un marché à venir ?

« Mode Vegan Responsable » et « Peta Approved », peut-on lire sous la poignée de la porte. Hormis ces mentions discrètes rien ne laisse deviner que Manifeste011, cette boutique du quartier parisien de Charonne ouverte il y a quelques jours, propose une mode sans cuir, laine ou soie, dans le respect le plus total de la condition animale. « On ne voit nulle part ailleurs la mention vegan. Ce n’est pas un sujet de communication car on voulait faire une boutique de mode avant tout », affirme Maud Pouzin, co-fondatrice avec Judith, sa sœur jumelle, de ce premier multimarque du genre à Paris.
A l’intérieur de ces 40 m 2 éclairés par Enercoop, fournisseur d’électricité renouvelable, et meublés avec des matériaux bruts et recyclés, comme la cabine d’essayage en chute de métaux, on lorgne sur les baskets graphiques en cuir d’ananas de Rombaut, les pochettes et sacs à dos ultrarésistants en chambre à air de Fantome, ou encore les pièces en denim upcyclé de la griffe française Wylde.

Ces pionnières citent parmi leurs inspirations la démarche du Belge Bruno Pieters avec son site Honest By ou celle de la Française Sakina M’Sa et sa boutique Front de Mode, avec qui elles partagent la conviction que le style doit prévaloir : « Il faut bien sûr que la marque soit vegan et responsable, mais si le produit ne nous plaît pas, on ne le prend pas ». Pour accompagner cette démarche, à partir du mois de janvier, les deux jeunes femmes mettront en ligne sur leur site les questionnaires de transparence qu’elles ont fait remplir à la vingtaine de leurs marques partenaires.

L’éthique au service du style

Moins radicales dans leur engagement, mais tout aussi exigeantes sur la transparence, les fondatrices de The Matter, une toute jeune marketplace en ligne de lifestyle basée sur la responsabilité sociale et environnementale, ont décidé elles aussi de ne pas mettre en avant ce parti pris : « On voulait que l’esthétique prime. Notre souhait est de vraiment changer l’image du secteur, d’arrêter d’en faire seulement un problème politique et militant, de le normaliser ». Pour l’instant, ce trio de jeunes femmes propose une vingtaine de marques, et prévoit de passer à cinquante d’ici à juillet.

Un marché en devenir ? « Il s’agit plutôt d’un mouvement, car il n’y a qu’un seul marché, celui de la mode, avec des clients qui consomment de tout, du luxe comme de la fast fashion », nuance Sébastien Kopp, cofondateur de la marque de baskets éthiques Veja et de la boutique Centre Commercial, qui vient d’ouvrir sa troisième adresse. Cet espace multimarque de prêt-à-porter et accessoires représente l’ouverture de ces entrepreneurs à d’autres formes d’engagements mode : matières écologiques, made in France, production européenne, recyclage… Le tout avec la même volonté de transparence jusqu’au-boutiste, globalisée depuis l’explosion des réseaux sociaux.
Avec un chiffre d’affaires de quatre millions d’euros pour 2017 et une croissance de 20 % par an, Centre Commercial est la preuve que ce mouvement porte les graines d’une consommation d’avenir. Difficile pour l’instant d’obtenir des chiffres précis sur ce secteur, mais le besoin de clarté du consommateur sur l’origine des produits est un indicateur de l’engouement. « On n’a jamais autant été contactés par les citoyens, d’une part pour savoir où acheter une mode socialement responsable, et d’autre part sur la question de la sincérité des grandes marques », souligne Nayla Ajaltouni, du collectif Ethique sur l’étiquette, dont le but est de faire respecter les droits des travailleurs, notamment dans la mode. Depuis l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013, la prise de conscience du consommateur ne cesse de croître. « On sent la vague monter, il est urgent de prendre des mesures », confirme Pierre-François Le Louët, président de la Fédération française du prêt-à-porter.

« La griffe parfaite n’existe pas, admettent les jumelles de Manifeste011. Mais à force d’être sollicitées, les marques vont toutes finir par se questionner ». Et nous aussi.
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