"Anti-jeu" : Nike et Adidas pointés du doigt pour leurs politiques salariales

"Anti-jeu" : Nike et Adidas pointés du doigt pour leurs politiques salariales
Image d'illustration (FRANCK FIFE / AFP)

Sur le prix d'une paire de chaussures, la part revenant aux ouvriers a même baissé de 30% entre 1995 et 2017 !

Par Le Nouvel Obs
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Ensemble, les deux marques sponsorisent 22 des 32 équipes participant au Mondial : 12 pour Adidas et 10 pour Nike, dont la France. Un joli coup qui s'accompagne malheureusement de politiques salariales "toujours aussi précaires", dénonce le collectif Ethique sur l'étiquette, créé en 1995 et membre de Clean Clothes Campaign, dans un rapport intitulé "Anti-jeu 2018".

Les deux multinationales se désengagent, en effet, progressivement de la Chine... en raison des salaires qu'ils jugent désormais trop élevés ! Toutefois, les deux marques emploient encore plus de 9 millions de personnes en Asie du Sud-Est, principalement en Indonésie et au Vietnam. Dans ces pays, les salaires moyens sont en effet "inférieurs de 45 à 65% au salaire vital", donc "largement insuffisants pour leur permettre de couvrir les besoins essentiels de leurs familles". 

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"Selon les régions du pays, le salaire minimum est de 82 à 140 euros par mois pour 48 heures par semaine", détaille Raja Siregar, à la tête d'un syndicat indonésien, sur le site d'information L'avenir.net.

Conséquence, selon le collectif : sur un maillot Nike ou Adidas mis en vente à minimum 85 euros, l'employé qui l'a fabriqué touche... 60 centimes. Sur le prix d'une paire de chaussures, la part revenant aux ouvriers a même baissé de 30% entre 1995 et 2017 !  

Au-delà, le collectif s'inquiète également de la stratégie à long terme des marques, qui ont développé de nouveaux modèles d'usines automatisées, qui, selon l'OIT (Organisation internationale du Travail), mettrait en péril de 64 à 88% des emplois dans le secteur. 

Champion des profits 

Pourtant, selon le chiffre avancé par L'avenir.net, Nike et Adidas ont accumulé, en 2017, 5 milliards de dollars de profits. Nike est même devenue une référence en termes de résultats boursiers, devant Google et Amazon. L'entreprise affiche une performance supérieure de 70% à la moyenne du Dow Jones, l'indice boursier représentant 30 des plus importantes entreprises américaines. Quant à Adidas, sa capitalisation boursière s'élève à 43 milliards d'euros.

Interrogée sur Franceinfo, la coordinatrice du rapport, Nayla Ajaltouni, martèle : 

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"Il y a de l'argent disponible pour payer correctement les travailleurs, mais ce n'est pas le choix qu'ont fait Nike et Adidas."

Ronaldo et son contrat à 25 millions de dollars

En effet, comme le montre le rapport, entre 2006 et 2017, les bénéfices accordés aux actionnaires ont, eux, quadruplé chez Nike et triplé chez Adidas. Les montants consacrés au sponsoring et au marketing ont également fortement augmenté entre 2012 et 2017. 

Ainsi, les 10 plus grands clubs de football européens ont engrangé 143 millions d'euros supplémentaires en recettes de sponsoring annuel entre 2015 et 2017. En 2016, Cristiano Ronaldo a même signé un contrat à vie avec Nike, à hauteur de 25 millions de dollars par an ! La même année, l'équipe nationale d'Allemagne a renégocié son contrat avec Adidas pour arriver à 65 millions d'euros, jamais une telle somme n'avait été signée. 

Et si dans certains pays du sud, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, le prix de vente d'un maillot peut représenter une grosse partie du salaire, cela n'empêche pas les supporteurs locaux de l'acheter. Au Nigéria, par exemple, le prix de vente du maillot de l'équipe nationale revient à 49% du salaire mensuel moyen. Pourtant, trois heures après sa mise en vente, Nike était en rupture de stock dans ce pays. Au total, l'entreprise a reçu 3 millions de commandes de la part du Nigéria.

Pour l'Euro 2016, Ethique sur étiquette avait publié un rapport et demandé à Nike et Adidas de dialoguer avec les syndicats indonésiens afin de négocier les salaires, ce qui avait été refusé. Bis repetita cette année...

E.P.

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