La justice du Bangladesh a confirmé l’inculpation pour meurtre demandée par le Département des enquêtes criminelles contre 41 personnes suspectées d’être impliquées dans la catastrophe du Rana Plaza, le pire accident industriel de l’histoire du pays.

Le 24 avril 2013, l’effondrement de cet immeuble des faubourgs de Dacca, la capitale, avait provoqué la mort de 1 136 ouvriers du textile et fait près de 1 500 blessés. Quelques jours après le drame, le propriétaire du bâtiment, Mohammad Sohel Rana, avait été arrêté alors qu’il cherchait à fuir en Inde.

Des inculpés toujours en fuite

Incarcéré depuis, l’homme figure parmi les principaux inculpés, aux côtés d’autres membres de sa famille, de propriétaires d’ateliers installés dans l’immeuble et de responsables publics accusés de négligences pour n’avoir pas fait respecter les règles de sécurité.

Parmi les 41 inculpés, 24 personnes sont toujours en fuite. Le tribunal de Dacca a lancé un mandat d’arrêt contre elles et ordonné la saisie de leurs biens. Les 41 risquent désormais la peine de mort.

> À consulter : le site du collectif Éthique sur l’Étiquette

Leur procès, dont la date reste à préciser, est très attendu par les familles des victimes qui attendent toujours réparation. Celles-ci n’ont eu droit, à ce jour, qu’à des indemnités versées par un fonds mis en place sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (OIT), mais qui ne couvrent pas les dommages et intérêts auxquels elles pourraient prétendre devant la justice.

Ce fonds a permis de réunir, en juin dernier, près de 28 millions d’euros collectés notamment auprès des marques donneurs d’ordre sur la base du volontariat. Les entreprises concernées n’étaient donc pas dans l’obligation de reconnaître une quelconque responsabilité dans la catastrophe.

Ainsi, le groupe français Auchan, dont des vêtements portant sa marque « In extenso » avaient pourtant été retrouvés parmi les décombres, a versé 1,4 million d’euros à ce fonds au titre de sa solidarité avec les victimes.

Régime d’impunité pour les donneurs d’ordre

« Grâce à ce fonds, quelque 3 000 personnes ont reçu des indemnités pour couvrir les pertes de revenus et les frais de soins occasionnés par la catastrophe », reconnaît Nayla Ajaltouni, du collectif Éthique sur l’étiquette (ESE). « Mais c’est la seule avancée un tant soit peu positive dans ce dossier », ajoute-t-elle.

De fait, si le drame du Rana Plaza a montré au grand jour les conditions de travail déplorables des quatre millions d’ouvriers bangladais du secteur textile, peu de chose a changé pour mettre fin au régime d’impunité dont bénéficient les grandes marques européennes et américaines attirées par les conditions de production à bas coût qu’offre le pays.

En France, ce vide juridique pourrait être comblé si la proposition de loi sur le devoir de vigilance des multinationales réclamée depuis deux ans par les ONG était adoptée.

« Ce texte instaurant une responsabilité juridique des maisons mères vis-à-vis de leurs filiales ou de leurs sous-traitants obligerait les grands groupes à mettre en place des plans de vigilance pour s’assurer que leurs produits sont bien fabriqués dans des conditions sociales et environnementales acceptables », explique Nayla Ajaltouni.

La proposition de loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, a été retoquée par le Sénat et attend toujours d’être inscrite à l’ordre du jour pour une seconde lecture.

Des conditions de travail toujours dangereuses

Au Bangladesh, les choses avancent tout aussi lentement. Sous la pression des ONG et du mouvement syndical local, les ouvriers du textile ont tout de même obtenu une hausse du salaire minimum mensuel qui est passé de 28 € à 58 €. Mais l’on est encore loin du revenu qui permet de vivre décemment, même selon les standards de ce pays parmi les plus pauvres de la planète.

> À consulter : le rapport du centre Stern sur le Rana plaza (en anglais)

De même, depuis l’effondrement du Rana Plaza, des centaines d’usines textile – le pays en compterait entre 5 000 et 7 000 – ont fait l’objet d’inspections et certaines ont été contraintes à fermer leurs portes pour raisons de sécurité.

« Mais, soulignait une enquête publiée un an après le drame par le Stern Center for Business et Human Rights (Université de New York), nombre d’usines ont échappé à ces contrôles et des milliers d’ouvriers continuent de fabriquer les produits des grandes marques mondiales dans des conditions dangereuses ».