Le Rana Plaza, plus jamais ça ? C’est pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise – plus de 1 000 ouvriers du textile avaient péri dans l’effondrement d’un immeuble de Dacca, au Bangladesh, en avril 2013 – qu’un collectif d’ONG et de syndicats français, relayé par la majorité politique de l’époque, s’est mobilisé, des années durant, pour imposer une loi sur le devoir de vigilance des entreprises.

Au terme d’une longue bataille législative, celle-ci a été adoptée le 27 mars 2017, obligeant les sociétés donneuses d’ordre de s’assurer que leurs activités, comme celles de leurs sous-traitants et fournisseurs, respectent les droits humains et les règles sociales et environnementales. En clair, si la filiale d’un groupe contrevient au droit, en faisant travailler des enfants par exemple, la maison mère pourra être condamnée s’il est prouvé qu’elle n’a pas pris les mesures adéquates.

Mais un an après son adoption, la « loi Rana Plaza » change-t-elle vraiment la donne ? « Il est trop tôt pour l’affirmer car il faut attendre que les entreprises concernées – entre 150 et 200 – publient leur plan de vigilance dans les mois qui viennent. On pourra alors s’assurer que ces plans, qui analysent les risques sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et précisent les mesures pour y remédier, sont transparents, sincères et ambitieux. Et vérifier qu’ils sont bien mis en œuvre », souligne Nayla Ajaltouni, du collectif Éthique sur l’étiquette.

Sur le terrain, la responsable associative constate, pour l’heure, peu de changement. « Dans le secteur textile, les marques ont pris des engagements, mais les progrès sont minces. Tant que le modèle dit ”fast fashion”, basé sur une production à bas coût, restera de mise, l’exploitation des travailleurs continuera », ajoute-t-elle.

Pourtant, des entreprises sont prêtes à jouer le jeu, comme en témoigne Thomas Gault, du cabinet conseil EY France, qui accompagne plusieurs d’entre elles dans cette démarche. « Cartographier l’ensemble des risques, mettre en place des mesures correctives et un dispositif de suivi est une tâche colossale qu’il a fallu réaliser en un temps record. Pourtant, la plupart des entreprises se sont pliées à cette exigence car elles ont compris que, sur le temps long, c’était une bonne manière de gérer son business et d’éviter les risques liés à une dégradation de l’image », explique-t-il.

Chez Schneider Electric, on affirme même ne pas avoir attendu la loi pour se préoccuper du sujet. « Depuis quinze ans, nous dialoguons avec nos 50 000 fournisseurs pour faire respecter les engagements pris par le groupe, notamment ceux du Global Compact des Nations unies qui définissent 10 principes éthiques en matière de droits humains et environnementaux. Et nous allons lancer plus de 300 actions de contrôle renforcé pour s’assurer que les pratiques sont conformes à nos exigences. Cette loi ne fait que conforter une stratégie inscrite dans la durée », souligne Gilles ­Vermot-Desroches, directeur développement durable du groupe.

Pour vérifier que les discours sont conformes à la réalité, le député ­Dominique Potier, un des promoteurs de la loi, demandera à l’automne la création d’une mission d’évaluation parlementaire. En attendant, il parcourt la planète pour faire la promotion d’un texte qui, espère-t-il, fera école. Une proposition de traité sur le respect des droits humains par les multinationales s’en inspire déjà largement et devrait être débattue à l’ONU en octobre prochain.

« En levant l’impunité juridique dont bénéficiaient les multinationales, la France s’est montrée pionnière. Elle doit maintenant se montrer leader pour convaincre l’Europe et la communauté internationale qu’il est urgent de promouvoir un modèle économique fondé sur l’humanisme et une mondialisation plus loyale, plaide Dominique ­Potier. Cette loi sur le devoir de vigilance est la première pierre posée, au nom de l’éthique, pour résister à la toute-puissance du marché. Il s’agit de refonder les bases juridiques qui feront que, demain, les entreprises soient réellement citoyennes et responsables. »

sur la-croix.com Des associations interpellent des entreprises françaises pour lutter contre la déforestation en Argentine