Contraindre les multinationales à une vraie responsabilité sociale et environnementale

Du 6 au 10 juillet, l'ONU se penche sur un traité obligeant les entreprises à veiller au respect des droits humains et environnementaux, dans toutes leurs filiales, à travers le monde. Une occasion historique à saisir pour la France: la proposition de loi contraignant les sociétés mères à un devoir de vigilance doit être définitivement adoptée
Une plateforme pétrolière BP en feu

Trente ans après la catastrophe industrielle de Bhopal en Inde, vingt-cinq ans après le désastre pétrolier de Chevron en Equateur, seize ans après la marée noire de l'Erika affrété par Total et deux ans après l'effondrement des usines textiles du Rana Plaza, combien d'années devrons-nous attendre encore pour combler le retard du droit en matière d'encadrement des activités des entreprises multinationales ?

Une totale impunité

Un gouffre existe aujourd'hui entre la réalité économique et juridique des multinationales, leur permettant de jouir d'une totale impunité lorsque des violations des droits humains et de l'environnement sont causées par leurs activités, ou par celles de leurs filiales et sous-traitants dans le monde. Les mesures volontaires comme les normes internationales non contraignantes ont démontré l'incapacité des grands groupes internationaux à exclure de leur chaîne de production et d'approvisionnement le recours à l'esclavage moderne, le traitement sauvage de déchets toxiques ou le financement de conflits armés.

Deux objectifs prioritaires

Prévenir efficacement les atteintes aux droits humains et à l'environnement et donner aux victimes accès à la justice sont pourtant les deux objectifs prioritaires qui doivent servir de boussole à la communauté internationale, réunie cette semaine à Genève. La première réunion du groupe de travail de l'ONU sur l'élaboration d'un traité contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, est en effet une opportunité historique à saisir pour les Etats. Après plusieurs tentatives infructueuses, un nouveau processus a été lancé en juin 2014 avec l'adoption, par le Conseil des droits de l'Homme, d'une résolution à l'initiative des pays en développement, et avec le soutien de plus de 600 organisations de la société civile internationale.

Certains pays riches commencent à agir

D'abord réticents, certains pays riches, sièges de nombreuses entreprises multinationales, prennent aujourd'hui la mesure du mouvement. Les appels au renforcement des règles se multiplient, du Parlement européen aux États membres du G7. La Suisse et la France ont déjà annoncé qu'elles participeront aux discussions du groupe de travail intergouvernemental de l'ONU après avoir initialement voté contre le texte. Une volte-face bienvenue de la part de deux pays qui hébergent certaines multinationales parmi les plus puissantes et dont nous attendons qu'ils participent de bonne foi au processus, dans le meilleur intérêt des victimes.

La France doit adopter un cadre national ambitieux

Ce nouvel élan international doit inciter la France à se doter d'un cadre national ambitieux en adoptant définitivement la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d'ordre, votée en première lecture par l'Assemblée nationale le 30 mars 2015. Soutenu par trois français sur quatre, ce texte ne fait rien d'autre que demander aux multinationales de respecter les droits humains et l'environnement dans l'ensemble de leurs activités.

S'il ne doit pas inquiéter celles qui font déjà des efforts importants en la matière, il permettra de tirer vers le haut les pratiques de l'ensemble des multinationales et de mettre en cohérence les paroles et les actes. La France n'en sera que plus crédible auprès de ses partenaires internationaux pour exiger des mesures similaires au niveau européen et international.


Geneviève Garrigos, Présidente d'Amnesty International France, Amélie Cannone, Présidente de l'AITEC, Bernard Pinaud, Délégué Général du CCFD-Terre Solidaire, Laurent Berger, Secrétaire Général de la CFDT, Philippe Louis, Président de la CFTC, Philippe Martinez, Secrétaire général de la CGT, Maite Errecart, Présidente du collectif Ethique sur l'Etiquette, Geoffroy de Vienne, Président d'Ethique et Investissement, Karim Lahidji, Président de la FIDH, Cécile Ostria, Déléguée Générale de la Fondation Nicolas Hulot, Michel Capron, Président du Forum citoyen pour la RSE, Florent Compain, Président de Les Amis de la Terre France, Françoise Dumont, Présidente de la LDH, Michel Grandmougin, Président de Peuples Solidaires-Actions Aid France, Didier Agbodjan, Président de Terre des Hommes France, William Bourdon, Président de Sherpa.

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Commentaire 1
à écrit le 08/07/2015 à 6:51
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Pour comprendre Vous auriez des exemples de multinationales qui financeraient l'esclavage moderne ou des conflits armés? Et si oui, n'est ce pas déjà poursuivi par la justice? Ou en quoi votre loi le permettrait mieux?

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