Nayla Ajaltouni : "La confiance aux entreprises a donné le Rana Plaza et donne le travail forcé des Ouïghours"

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Depuis plusieurs mois associations, personnalités politiques, médias et citoyens interpellent le gouvernement et les marques quant à l'exploitation des Ouïghours de Chine. Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Éthique sur l'Étiquette, revient sur les enjeux de cette lutte et plus largement sur les droits des travailleurs de l'industrie du textile.

Si le mois de mars 2021 a marqué le triste premier anniversaire de la pandémie de Covid-19, il met aussi en lumière un an de lutte pour les droits des Ouïghours de Chine, dont de nombreuses ONG dénoncent l’exploitation et vont même jusqu’à utiliser le terme de génocide.

Parmi ces organisations, le Collectif Éthique sur l’Étiquette. Fondé en 1995, le collectif est membre du réseau européen Clean Clothes Campaign et regroupe de nombreuses associations de solidarité internationale, de syndicats et agit en faveur du respect des droits humains pour les travailleurs, notamment textile.

À son appel, et sous l’impulsion de l’Institut Ouïghour d'Europe présidé par Dilnur Reyhan, nombreux sont les citoyens à aujourd’hui demander des comptes aux marques autant qu’au gouvernement concernant ce que le député européen Raphaël Glucksman nomme "le plus grand internement de masse aujourd’hui dans le monde".

La Chine, premier pays de confection du coton

Quel rapport avec la mode ? Nous y venons. Le coton, dont la Chine est le premier pays de confection -20% de la production mondiale y est réalisée, ndlr-, serait récolté et filé par des travailleurs Ouïghours maltraités, exploités, torturés, violés et même victimes de trafic d'organes. Équipementiers sportifs, marques de fast fashion mais aussi labels haut de gamme… Nombreuses sont les marques de mode à être interpellées depuis la parution à ce sujet du rapport think tank Australian Strategic Police Institute publié le 28 février 2020.

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En un an, la mobilisation des ONG, de nombreux citoyens français et de plusieurs personnalités politiques a poussé certaines d'entre elles à prendre la parole et à s’engager à cesser tout rapport à la région du Xinjiang en Chine. Parmi elles, adidas, Lacoste, H&M, Tommy Hilfiger ou encore Calvin Klein. Beaucoup d'autres ne se sont pour l'instant pas positionnées; et pour cause : la Chine est non seulement une grande productrice de mode, mais aussi le marché principal de nombreuses marques.

Le cas des Ouïghours de Chine pris au sérieux par l'UE

Rien n'est cependant perdu. Le Parlement européen s’est prononcé le 10 mars 2021 en faveur d’une loi sur le devoir de vigilance qui obligerait chaque marque et entreprises européennes à "s’assurer du respect des droits humains et de l’environnement dans toutes leurs activités, y compris celles de leurs sous-traitants à l’étranger -, et ce en établissant leur responsabilité juridique en droit européen", explique un communiqué du Collectif Éthique sur l’Étiquette publié le 11 mars dernier.

Ce 22 mars 2021, l'Union européenne a elle adopté ses premières sanctions contre la Chine visant des hauts responsables du pays. En retour, la Chine a sanctionné 10 personnalités européennes, dont Raphaël Glucksmann, leur interdisant et à leur famille tout séjour. Incluant également les incursions à Taïwan et Hong Kong.

Le Collectif Éthique sur l’Étiquette, la nécessité d’une mode juste

Pour mieux comprendre la situation, Marie Claire a rencontré Nayla Ajaltouni, Coordinatrice du Collectif Ethique sur l’Étiquette. Son rôle ? "Mobiliser citoyens et ONG pour plus de régulations dans la chaîne de valeur des entreprises". 

Droits des Ouïghours et de l'ensemble des travailleurs textile, transparence sur la chaine de production, éco-responsabilité... Conversation à bâtons rompues avec l'une des porte-paroles françaises les plus importantes en matière de mode et justice sociale.

Marie Claire : Le collectif Éthique sur l'Étiquette est fondé en 1995 et se concentre sur la question des droits humains, particulièrement dans le secteur du textile. Où en est-on en 2021 ?

Nayla Ajaltouni : Je dis souvent qu’aujourd’hui, on n’a encore rien trouvé de mieux qu’une femme derrière une machine à coudre pour fabriquer nos vêtements. La mode est une industrie à forte intensité de main d’œuvre, et loin d'être un vecteur de développement et de progrès social, c’est un secteur où on a créé des travailleurs pauvres, localisés dans les pays avec mains d’œuvre abondantes.

On n’a encore rien trouvé de mieux qu’une femme derrière une machine à coudre pour fabriquer nos vêtements.

Partout, on trouve des jeunes femmes peu qualifiées exploitées par des entreprises qui échappent aux normes sociales et environnementales. Le modèle économique principal de la mode c’est produire à moindre coût, et au second plan les droits humains et le respect de l’environnement. Raison pour laquelle il faut introduire de la régulation.

Un des événements majeurs de prise de conscience du grand public à ce sujet a été l'effondrement du Rana Plaza en 2013. Diriez-vous que c’est à ce moment qu’on a commencé à lier environnement et justice sociale ?

Le premier grand choc, ça été le scandale Nike en 96. Le Rana Plaza arrive 17 ans plus tard et c’est ce scandale qui a fondé les mouvements de défense des travailleurs à travers le monde. La question environnementale est venue après. Ce drame a mis en lumière les conditions de travail, et puis l’organisation des chaînes de valeur. Au Bangladesh, avant le Rana Plaza, on dénombrait dans le pays au moins 700 morts dans des accidents ou incendies d’usines, et ce, depuis 2005. En 8 ans.

Pour beaucoup de consommateurs et de citoyens, cela a été l’occasion de réaliser que la majorité de nos vêtements sont fabriqués le long d’une chaîne de sous-traitance sur laquelle on n’a pas d’informations. On a aussi pris conscience des conditions de travail si déplorables du secteur, au point que des immeubles puissent s’effondrer sur des jeunes femmes, et que les entreprises n’en soient pas responsables.

C’est un système, un modèle économique dans lequel toutes les entreprises de vêtements sont impliquées.

Il nous a fallu deux ans de campagne au niveau mondial pour que les entreprises contribuent au fond d’indemnisation des victimes. On ne parle même pas de justice, de responsabilité juridique, mais d’indemniser les victimes qui ont perdu leur travail.

Le corollaire a été de montrer l’interdépendance entre nos actes d’achats ici et l’impact sur les conditions de travail de ces femmes et de ces hommes. Très rapidement, les noms de marques de différents segments de marché ont été retrouvé dans les décombres de l'usine : on y trouvait autant du Auchan que du C&A, Primark ou Benetton. C’est un système, un modèle économique dans lequel toutes les entreprises de vêtements sont impliquées.

Aujourd'hui, l'industrie de la mode semble vouloir se saisir de son impact écologique. Pourtant, dans sa communication, elle continue bien souvent à séparer droits humains et environnement. Comment vous expliquez ce décalage ?

La fast-fashion est un modèle économique plus récent qu'on ne le croit, qui a renforcé les violations des droits des travailleurs et fait des dégâts considérables sur l’environnement, mais qui a opéré une scission entre son modèle et son discours aux consommateurs.

Ce que ne disent pas ces marques, c’est que pour survivre, leur modèle les pousse à produire en quantité. On parle de produire vite, à petit prix et en de grandes quantités pour être rentable.

La mode assume de surproduire quitte à détruire une grande partie de ses vêtements qui ne sont ni recyclables ni ré-employables.

En vérité, la mode assume de surproduire quitte à détruire une grande partie de ses vêtements qui ne sont ni recyclables ni ré-employables et qui vont mettre des centaines d’années à se dégrader.

Ce que ces marques ont fait, c’est créer des besoins mode. Ils jouent sur l'éphémère. Cela crée une surconsommation en gommant et en ignorant les impacts sociaux et environnementaux.

L’enjeu central dans la mode, c’est bien aujourd'hui qu’on cesse de surproduire dans des conditions qui sont prédatrices pour l’environnement et donc pour l’homme.

L’une des luttes les plus suivies ces derniers mois est celle contre l’exploitation des Ouïghours de Chine. Est-ce que vous pouvez revenir sur la situation ?

À partir de 2017, on a commencé à entendre parler de camps d’internement mis en place par le gouvernement chinois pour des minorités dont la minorité Ouïghour. C’est une minorité majoritairement musulmane, mais pas seulement. C’est une répression ethnique plus que religieuse, même si c’est l’excuse qui a été utilisée par le gouvernement chinois pour expliquer la détention de ces populations.

En 2019, des chercheurs et des images ont montré l’utilisation des populations Ouïghours comme travailleurs forcés dans les usines de la région, notamment de confection textile, dont la récolte du coton. Il se trouve que la région du Xinjiang en Chine produit 20 % de la production mondiale de coton dans le monde.

Puis il y a eu le rapport du ThinkTank australien ASPI, en mars 2020, qui identifie plus de 80 entreprises qui bénéficieraient du travail forcé des Ouïghours le long de leur chaîne de production : soit parce que le coton qu’elles importent a été cueilli par des Ouïghours exploités soit parce que les usines de confection et tissage avec lesquelles elles travaillent exploitent des travailleurs forcés non ou sous-payés, brimés et violentés.

On en revient à de l’opacité des chaînes de production et au fait qu'aujourd'hui encore les entreprises ne sont pas considérées comme responsables. Avec le Collectif Éthique sur l'Étiquette, il nous semble qu’il faut malheureusement des drames de plus en plus graves pour déclencher des réactions citoyennes et politiques fortes.

On veut aujourd’hui obliger ces grands groupes à cesser tous liens avec la région afin de ne pas se rendre complice de ce travail.

La mobilisation citoyenne est importante et on veut aujourd’hui obliger ces grands groupes à cesser tous liens avec la région afin de ne pas se rendre complice de ce travail et que les États consentent à réguler et à rendre responsable les multinationales pour les impacts sociaux et environnementaux le long de leur chaîne de sous-traitance.

Les femmes Ouïghours et les traitements qu’elles subissent font aujourd’hui la Une des journaux. Comment les questions de genre se retrouvent-elles au sein des questions de justice sociale dans l'industrie textile ?

Jusqu’à présent la main d’œuvre mondiale dans la confection du textile, c’est 85 % de femmes. Une main d’œuvre très majoritairement féminine et donc bien entendu plus vulnérable. Dans le secteur de l’habillement, il faut avoir une approche de genre, car les femmes vont subir une double violence due à leur statut de travailleuses, avec leur droit au travail bafoué, et lié à leur statue de femmes.

Elles viennent souvent de milieu peu scolarisé et n’ont pas eu de choix que d’aller trouver un travail à l’usine pour subvenir aux besoins de familles élargies dont elles sont le pilier. Il y a beaucoup de discriminations autour des salaires, dans certains pays à poste égal, elles seront moins bien payées que des hommes, elles auront moins accès à des postes d’encadrements qui seront tenus par des hommes.

Le mouvement féministe doit aussi se saisir d’avantages de la question ouvrière.

Dans des pays, notamment le Cambodge, on observe des tests de grossesse à l’embauche, qui sont une violation des droits des femmes, et un non-accès à la protection sociale donc pas de congés maternité, et la possibilité d'être licenciées du jour au lendemain.

Avec les femmes Ouïghours, on approche l’un des critères du génocide car indépendamment du droit du travail, on voit des femmes stérilisées de force. Il y a une volonté d’empêcher la population de se perpétuer. On est sur la question d’un crime contre l’humanité. Et sans sursaut de la communauté internationale, on ne sera pas assez armés pour intervenir sur ce sujet.

Féminisme, #MeToo ont beaucoup agité nos réseaux sociaux depuis 2017. Pourtant, cette même année, on découvre le sort des Ouïghours de Chine. On a l’impression que les travailleuses textiles sont souvent exclues de ces conversations au sein de la mode autant que de la société…

C’est
 vrai.
 De manière générale, on a, parmi les missions du Collectif, celle de rendre visible les luttes des travailleuses qui sont loin d'être passives mais leurs voix peinent à sortir de leurs pays.

On a une responsabilité médiatique à faire connaître ces mobilisations et la manière dont leurs droits sont bafoués. On se doit d’être un relai. Le mouvement féministe doit aussi se saisir d’avantages de la question ouvrière, sur place mais aussi à un niveau international. 

Il ne s'agit pas seulement de luttes pour les libertés des droits civiles et politiques.
 On entend des femmes avocates en lutte, c’est important oui, mais des ouvrières en lutte, on en entend beaucoup moins.

Les USA et le Royaume-Uni font parti des rares pays à avoir pris des mesures contre la Chine. Qu’est-ce qui freine la prise de position des autres nations ?

J’aurais du mal à répondre. Nous, on regrette le silence et la frilosité de la France qui n’est pas du tout au rendez-vous politique. Et si cela fait longtemps qu’elle n’a plus ce rôle dans la communauté internationale de chantre des droits humains, elle a un rôle politique à jouer qu’elle loupe complètement jusque là. Il faut le dénoncer et appeler le gouvernement français à réagir plus fortement.

C’est tout à fait cynique que les Etats-Unis de Trump aient été le champion des décisions politique le sujet Ouïghour. 

C’est tout à fait cynique que les Etats-Unis de Trump aient été le champion des décisions politique le sujet Ouïghour ! Personne n’est dupe, il y a une bataille politico-commerciale qui se joue avec la Chine, mais les mesures qui ont été prises de bannir les exportations de produits venant de cette région montre que c’est possible, en seulement quelques semaines, d'utiliser l'arme commerciale, soit des mesures contraignantes, pour protéger les droits fondamentaux. 

On voit donc bien qu’il s’agit de volonté politique et notre rôle, avec le Collectif, est de créer un rapport de force suffisamment important pour bouger le gouvernement et l'Union européenne.

La France semble être dans une volonté de laisser les entreprises du textile se réguler elles-mêmes. On a pu le voir notamment avec le Fashion Pact. Qu'en pensez-vous ?

Je suis d’accord avec ce constat. Le Fashion Pact est le retour d’une politique à l’ancienne, au temps des engagements sans contraintes, alors que le France est pionnière avec une législation du devoir de vigilance qu’on a arrachée sous la présidence précédente, contre l’avis du ministère des Finances à l’époque dirigé par Emmanuel Macron.

On a un Président proche des milieux économiques qui nous rejoue la carte de la confiance aux entreprises, à rebours de la prise de conscience citoyenne. Or, la confiance aux entreprises a donné le Rana Plaza et donne le travail forcé des Ouïghours.

Notre conversation se concentre sur l’industrie du textile, mais avec d’autres ONG et syndicats, on comptabilise tous les jours des cas de violations massives. On a l’embarras du choix quand on veut parler de manque de régulation et de la confiance laissée aux entreprises.

Il ne faut plus faire semblant de croire que les entreprises vont d’elles-mêmes prévenir les violations des droits fondamentaux et de la dégradation de l’environnement.

On a un gouvernement en retard qui montre l’absence de positionnement politique. Par ailleurs, initier un Fashion Pact seulement sur les aspects environnementaux est une approche tronquée, minimaliste, et un manque d’analyse.

D’ailleurs, depuis 2019, on a eu aucun résultat concret de ce Fashion Pact. Il ne faut plus faire semblant de croire que les entreprises vont d’elles-mêmes prévenir les violations des droits fondamentaux et de la dégradation de l’environnement.

Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est que le gouvernement français soit moteur, pionnier, pour des directives européennes ambitieuse sur le devoir de vigilance. Le rôle de la France va être de faire en sorte que le projet de directive qui va s’appuyer sur la loi vigilance 2017 ne soit pas vidée de sa substance face aux lobbys économiques et aux entreprises à qui on ouvre des boulevards.

Pouvez-vous revenir sur la loi vigilance de 2017. Où en somme-nous aujourd’hui ?

C’est une loi de compromis. Ça a été quatre ans de travail avec le collectif; nous avons pu établir un rapport pour des directives européennes en prenant en compte les enseignements de la loi française, notamment de son insuffisance.

C’est une loi révolutionnaire dans le sens où c’est la première fois qu’on peut engager la responsabilité d’une entreprise française ou présente en France pour des dommages commis à l’international. Mais elle a des limites ; elle ne concerne que les très grands groupes avec 5 000 salariés en France ou 10 000 à l'international.

Les citoyens ne sont plus prêts à s’en laisser compter, non seulement sur les engagements des entreprises mais également la réalité de ces engagements.

Et puis il y a des formes juridiques qui ne sont pas prises en compte et qui permettent aux grands groupes, qui ont plus de 5 000 salariés donc, d'échapper à cette loi de vigilance, parce que leur statut juridique n’est pas couvert par la loi.

La loi dite "Rana Plaza" dit être une loi cruciale sur le plan de l’avancée juridique, mais elle n’est pas bien mise en œuvre, car il n’y a pas de contrôle et que son champ d’application est trop restreint.

La directive européenne devra à tout prix se fonder sur ces insuffisances pour qu’on ait une législation ambitieuse au niveau européen, qui va concerner un nombre plus large d’entreprises, et pourra être un vrai pas en avant pour la protection des droits des travailleurs et des droits fondamentaux.

Un point crucial reste la sensibilisation des marques autour de ces questions. Quel est le discours lorsque vous échangez avec les marques et maisons de mode ?

Il y a deux choses. La première : on voit la vulnérabilité des entreprises face au jugement citoyen, donc elles sont rapides à réagir et elles le font notamment à travers les réseaux sociaux. On a moins de réaction auprès de la société civile que de réponse directe auprès des consommateurs à qui elles vont communiquer directement leurs engagements.

C’est un problème parce que le consommateur n’est pas formé et donc capable de discerner le vrai du faux. Par exemple, les grandes marques de fast fashion qui s'engagent notamment petit à petit sur la question du recyclage ne disent pas forcément qu'à l'heure actuelle elles sont incapables de recycler 15% à 20% seulement des textiles. Elles communiquent sur le fait qu'elle recyclent. Ces informations tronquées induisent le consommateur en erreur.

Tant qu’on aura autant de production et des chaînes de valeurs éclatées, on n’aura jamais l’assurance que les droits des travailleurs ne sont pas violés.

Mais aujourd’hui les citoyens ne sont plus prêts à s’en laisser compter, non seulement sur les engagements des entreprises mais également la réalité de ces engagements. 

Sur la question Ouïghour, nombre d'entre elles ont pourtant dit condamner le travail forcé et refuser de travailler avec cette région de la Chine. Comment peuvent-elles réellement s’assurer qu’elles ne bénéficient pas du travail forcé ? 

C’est très difficile et c’est bien le problème. Cette loi doit prévenir les risques en exigeant que les entreprises préviennent les risques d’atteinte aux droits fondamentaux et de pollution massives. Ce qu’on dit concernant le Xinjiang, c’est de couper les ponts, c’est assez rare. Habituellement, on demande l’utilisation des pratiques commerciales comme un levier pour améliorer les situations des travailleurs.

Mais dans cette région, c’est difficile pour elles de le savoir, et surtout, elles ne sont pas obligées de le faire.

De manière à générale, tant qu’on aura autant de production et des chaînes de valeurs éclatées, on n’aura jamais l’assurance que les droits des travailleurs ne sont pas violés. Ce qu’il faut, c’est changer le système économique de cette industrie.

Malgré toutes ces sensibilisations au droit humain et à l’impact environnemental de la mode, on a vu l’émergence, et la demande, de l’ultra-fast fashion avec des marques telles que Boohoo, Pretty Little Things, etc. Comment vous l’expliquez ?

La responsabilité du consommateur est importante, mais on ne peut pas la mettre au même niveau que celle des multinationales et des pouvoir publics. On ne peut pas faire reposer la responsabilité environnementale sur les petits gestes citoyens quand on sait que les trois-quart des pollutions sont le fait des entreprises.

On aura beau ne plus prendre de bain, on aura quand même 75% de la consommation du fait de l’activité économique des entreprises. C’est important de redire les enjeux. Il faudra du temps pour qu’il y ait une prise de conscience généralisée, mais si on laisse se déployer des modes de consommations prédateurs, on habitue des générations entières.

La responsabilité du consommateur est importante, mais on ne peut pas la mettre au même niveau que celle des multinationales et des pouvoir publics.

C’est dur de déployer des modèles irresponsables et dire aux consommateurs de ne pas les utiliser. Ce n’est pas pour dédouaner le consommateur, mais par exemple, quand on parle de mode responsable et de fast-fashion, on ne peut pas nier la différence de prix, elle est réelle même si la mode responsable fait beaucoup d’efforts pour être au juste prix.

Et tout le monde est concerné, il n y a pas que les classes sociales les moins aisées qui achètent ces marques. Ce qui plaît, c’est aussi la rapidité, l’immédiateté, qui en dit beaucoup sur nous.

Finalement, que peut-on faire aujourd’hui, à notre niveau, en tant que consommateur ?

Il y a deux volets. Comment agir en tant que consommateur ? Quand on le peut, c'est se diriger vers de la mode responsable, réduire sa quantité d’achats, se diriger vers de la meilleure qualité, se diriger vers l’upcycling ou la seconde main, et même dans ces cas-là ne pas acheter en grande quantité, et éviter la mode à très petit prix. 

Le volet d’action citoyenne est infini, gratuit et primordial.

L’autre volet, c’est la question citoyenne. L’action politique, plus que matérielle, est la plus efficace. On n’obtiendra pas de réglementations des importations des produits venant de la région Ouïghour sans parole citoyenne.

Avec le Collectif, on ne fait que ça, on a une trentaine d'associations en France avec lesquelles on peut se mobiliser, interpeller les entreprises en ligne. Cette voix politique est loin d’être dérisoire et va démultiplier l’action de consommer mieux, car elle permet de se sentir impliqués. Le volet d’action citoyenne est infini, gratuit et primordial.

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