Après la finance ou l'alimentation, la blockchain s'infiltre dans l'industrie de la mode. Cet outil technologique pourrait, en remontant toute la chaîne d'approvisionnement des marques, les pousser à changer leurs pratiques, dont les conditions de travail des ouvrières textiles. Reste que respecter les droits humains n'est pas un problème technologique, défend Éthique sur l'étiquette. 

Et si la blockchain s’invitait dans l’industrie de la mode ? Cet outil technologique est de plus en plus utilisé par les entreprises, dans des secteurs aussi divers que la finance, l’énergie ou l’alimentation. De gros acteurs comme Carrefour se sont ainsi lancés, mais une myriade de startups ont également basé leur modèle sur cette technologie.La blockchain, qualifiée d’infalsifiable, permet en effet de stocker et de transmettre des informations dans toute la filière, du producteur au distributeur, en toute transparence et de manière sécurisée.
Rien d’étonnant donc à ce que d’autres secteurs s’en saisissent comme ’industrie de la mode. La startup Provenance, initialement orientée dans l’alimentation, a ainsi travaillé avec la créatrice Martine Jarlgaard pour créer la première chaîne de vêtements qui intègre la blockchain. La collection a été présentée en mai 2017 au Fashion Summit de Copenhague, l’événement le plus important au monde sur la mode durable.
Les chaînes d’approvisionnement de la mode sont complexes et mondialisées
Toutes les étiquettes de vêtements étaient équipées d’un QR code qui permettait d’un simple scan de retracer l’historique complet de la chaîne d’approvisionnement. Chaque fil de laine était même associé au nom de l’alpaga qui l’avait fourni. Cette collection "met en évidence le rôle de la blockchain vers une plus grande transparence et une réponse aux revendications de certains acteurs dans l’industrie de la mode", explique Provenance.
De fait, le manque de traçabilité et de transparence des géants de la fast fashion comme H&M ou Primark sont souvent pointés du doigt par les associations et les consommateurs. Or la blockchain permet justement de remonter à la source. "Les chaînes d’approvisionnement de la mode sont bien trop compliquées pour être tracées à l’aide d’une communication traditionnelle de personne à personne", explique au site américain Fashionista, Leonardo Bonanni. Pour le fondateur de Source Map, un logiciel qui utilise la blockchain, nous avons "besoin d’une technologie très avancée pour suivre la mode, en particulier dans la fast fashion où les collections sont rapides et les sous-traitants mondiaux".
"Pas besoin d’un outil technologique pour respecter les droits humains"
À terme, on peut penser que les consommateurs, désormais informés de l’origine de leurs vêtements pourraient pousser les marques à changer leurs pratiques. En juin, l’ONG Global Labour Justice avait publié un rapport dénonçant les conditions de travail dans les usines fournissant des marques comme H&M, Gap et Walmart. Les ouvrières y étaient insultées, harcelées et menacées constamment.
Pourtant, tout miser sur une technologie, aussi fiable soit elle, pour révolutionner les pratiques du secteur fait office de miroir aux alouettes, selon Nayla Ajaltouni de l’ONG Éthique sur l’étiquette. "Le business model de la fast fashion est fondé sur l’éclatement de la chaîne de valeur, la piètre qualité, la pression sur les salaires, les faibles coûts de production… Si les marques ne respectent pas les droits humains, ce n’est pas parce qu’elles manquent d’un outil technologique. Si elles le veulent, elles peuvent déjà remonter leur chaîne d’approvisionnement. Ce n’est pas la blockchain qui va changer les choses.".
Informer les consommateurs, bientôt la norme 
Pour les petites marques en revanche, qui ont plus de difficulté à remonter et à peser dans la chaîne d’approvisionnement, la blockchain "peut être utile", reconnait Nayla Ajaltouni.
Pour l’instant l’industrie de la mode reste discrète sur ces expérimentations. Contactés par Novethic, Les galeries Lafayette et H&M par exemple, n’ont ainsi pas "souhaité communiquer" sur ce sujet. Des expérimentations sont en cours mais le sujet reste confidentiel comme le confirme Valérie Moatti, spécialiste du secteur.
Une chose est sûre pour Bruce Thompson, fondateur de Brightlabel, spécialisé dans l’étiquetage numérique des marques, dans quelques années, "fournir des informations sur des produits deviendra la base et ne pas en fournir sera un drapeau rouge"
Marina Fabre @fabre_marina 

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes