Ils génèrent 30 % du chiffre d'affaires annuel de l'habillement ! Les soldes sont de retour depuis le mercredi 8 janvier pour une période réduite cette année à quatre semaines. Les géants de la fast fashion comme Zara vont multiplier les bonnes affaires. Mais à l’autre bout de la chaîne, loin de l’hystérie provoquée par ces promotions, les agriculteurs et ouvriers gagnent à peine de quoi vivre.

2,08 euros, c’est la somme que doivent se partager les ouvriers et agriculteurs tout au long de la chaîne d’approvisionnement pour chaque sweat Zara vendu au prix moyen de 26,70 euros. La marque, elle, dégage un bénéfice deux fois plus important soit 4,20 euros. Ces calculs (1) réalisés par le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic), avec Public Eye en Suisse, SCK aux Pays-Bas et le collectif Ethique sur l’Etiquette en France, doivent servir d’alerte aux consommateurs alors que les soldes d’hiver ont démarré mercredi 8 janvier. 
Public Eye a pu retracer le parcours d’un sweat-shirt symboliquement floqué du mot "Respect", en référence à la chanson d’Aretha Franklin sur les droits des femmes, après plusieurs relances auprès de la maison-mère Inditex et dix semaines d’attente. Celui-ci a été fabriqué dans plusieurs usines turques et le coton a été cultivé en Inde avant d’être vendu dans les magasins européens de la marque espagnole. L’envers du décor : salaires de misère, horaires excessifs, contrats précaires.
Un roulement de 12 heures d’affilée
"Les ouvrières et ouvriers font les frais de la pression massive exercée sur les prix par Inditex auprès de ses fournisseurs, explique l’association. "L’usine chargée de la confection des 20 000 pulls n’a reçu que 1,53 € par pièce. Et l’imprimerie qui a apposé le slogan aurait touché à peine 17 centimes par impression. Pour s’en sortir, les propriétaires des usines sont contraints de payer leur personnel moins qu’ils ne le devraient, ou de le faire travailler plus. Dans l’une des usines, la production se ferait 24 heures sur 24, divisées en deux horaires seulement", soit 12 heures d’affilée, souligne Public Eye. 
Decomposition du prix du sweat shirt
Les salariés turcs de la confection ont gagné en moyenne 430 euros par mois, soit un tiers environ du salaire vital estimé par la Campagne Clean Clothes. Il en est de même pour les travailleurs dans les champs de coton en Inde. Or, dans son code de conduite, Inditex affirme que ses fournisseurs devraient verser des salaires "toujours suffisants pour couvrir au moins les besoins de base des travailleurs et de leur famille ainsi que tout autre besoin raisonnable." Mais le groupe refuse de communiquer sur le niveau des salaires versés ou sur le prix d’achat de ses articles.
Le modèle agressif de Zara
Zara est le fleuron du groupe. Elle représente à elle seule 70 % des ventes totales d’Inditex sur 26 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il faut dire que la machine est bien huilée. Les magasins sont approvisionnés deux fois par semaine et les collections remplacées chaque mois afin de coller aux dernières tendances. La marque réussit à faire concevoir, fabriquer et livrer un article en trois à quatre semaines, du design jusqu’à la mise en rayon. Zara crée ainsi 65 000 nouveaux produits chaque année à prix abordables. Un renouvellement effréné qui rend ses clients "addicts". Ceux-ci se rendent en moyenne 17 fois par an dans ses magasins (contre 3 à 4 fois chez ses concurrents).
Pour tenir le rythme, les vêtements doivent être fabriqués dans un périmètre relativement restreint. Selon Inditex, plus de la moitié de ses 7 235 fournisseurs se trouvent ainsi en Espagne, au Portugal, au Maroc ou en Turquie, laissant entendre qu’il ne fait pas partie des grands groupes de la fast fashion qui exploitent une main d’œuvre éloignée. "Mais Zara comme les autres, puise largement l’efficacité de son modèle dans cette main d’œuvre sous-payée", dénoncent les ONG. "Son hégémonie ne laisse que peu de marge aux sous-traitants pour négocier des conditions commerciales et de rémunération décentes", estiment-elles.
Elles appellent le groupe espagnol à adopter des pratiques d’achats vraiment responsables, qui permettraient le versement d’un salaire vital aux travailleurs tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. En réaction, Inditex précise que "les calculs avancés par Public Eye sont sans fondement." "Les conclusions sont donc totalement inexactes et trompeuses, et nous les rejetons fermement. Le prix d’approvisionnement est bien supérieur à celui communiqué de manière spéculative dans le rapport et toutes les usines citées avaient fait l’objet d’un audit antérieur qui ne révélait aucun manquement concernant les salaires des travailleurs."
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Lire le rapport des ONG
Article mis à jour le 8 janvier à 17h, avec la réaction du groupe Inditex.

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