Ils sont plus 1138 travailleurs à avoir trouvé la mort dans l’effondrement du Rana Plaza dans la banlieue de Dacca, la capitale du Bangladesh, le 24 avril 2013, et près de 2000 à avoir été blessés. Alors qu’ils avaient été évacués d’urgence la veille en raison de fissures constatées dans les piliers du bâtiment, les milliers de travailleurs-ses des ateliers de confection du Rana Plaza, ont été contraint-e-s de regagner leur poste de travail ce jour-là.
Dans les minutes qui ont suivi le drame, le Collectif Éthique sur l’étiquette et les organisations de défense des droits humains locales et internationales se sont mobilisés pour que de tels accidents causés par l’irresponsabilité des multinationales et des Etats ne puissent plus survenir. Un mouvement citoyen international s’est lancé pour qu’ils prennent leurs responsabilités sur deux points urgents : l’indemnisation des victimes et la sécurisation des usines de confection au Bangladesh.
Depuis, plusieurs avancées ont eu lieu :
– En mai 2013, un Accord contraignant sur la sécurité des usines et la prévention des incendies au Bangladesh a été signé entre les multinationales de l’habillement et les syndicats bangladais et internationaux.
– Le 8 juin 2015, un fonds d’indemnisation des victimes, ouvert en janvier 2014, a recueilli la somme nécessaire pour assurer une indemnisation complète des victimes et de leurs familles.
– En France, une loi historique sur le devoir de vigilance des multinationales a été adoptée par l’Assemblée nationale le 21 février 2017.
– En juin 2017, plusieurs multinationales et les fédérations syndicales internationales IndustriALL et UNI ont signé le renouvellement de l’Accord sur la sécurité des usines et les préventions des incendies.
– NOTRE BILAN 5 ANS APRÈS
NOUVELLE EXPLOSION MORTELLE DANS UNE USINE TEXTILE AU BANGLADESH : L’ACCORD DOIT ETRE RENFORCE D’URGENCE
Lundi 3 juillet, l’explosion d’une chaudière à l’usine Multifabs Ltd, située à Gazipur, dans la banlieue de Dacca a tué au moins dix ouvriers et fait plusieurs blessés dont certains sont dans un état très grave.
Ce nouvel accident a eu lieu au lendemain du renouvellement de l’Accord, signé entre IndustriALL, UNI et 13 marques et enseignes, le 29 juin 2017. Il montre une fois de plus les dangers toujours présents liés à la vétusté des usines au Bangladesh, et la nécessité de renforcer et d’accélérer les rénovations sous l’égide de l’Accord. Lire la suite
Malgré ces avancées significatives, le combat pour la défense des droits des travailleurs bangladais demeure plus que jamais nécessaire.
Depuis décembre 2016, à la suite de la répression par le gouvernement bangladais du mouvement de grève de milliers d’ouvriers qui avaient protesté pour une augmentation de salaires, une action de soutien international a été lancée pour :
– Exiger du gouvernement et des patrons d’usines bangladais qu’ils stoppent la répression syndicale et respectent les droits fondamentaux des travailleurs.
– Exiger des multinationales qui se fournissent au Bangladesh qu’elles interviennent en tant que donneuses d’ordre auprès de leurs fournisseurs et du gouvernement bangladais pour stopper la répression.
– Demander à l’Union Européenne l’ouverture d’une enquête, dans le cadre des accords commerciaux, pour faire la lumière sur le respect par l’Etat du Bangladesh de ses engagements à protéger les droits des travailleurs dans le cadre du "Système Préférentiel Généralisé" qui lui permet de bénéficier d’avantages tarifaires avec l’Union Européenne.
Un fonds d’indemnisation, placé sous l’égide de l’OIT, a été mis en place, grâce à l’action des organisations syndicales locales et internationales et de la Clean Clothes Campaign – dont le Collectif ESE est le membre français – financé par les contributions des enseignes qui s’approvisionnent au Bangladesh. Entré en vigueur en janvier 2014. S’il a recueilli la somme nécessaire pour assurer une indemnisation juste et complète des victimes et de leurs familles, de nombreuses enseignes impliquées dans le drame n’ont abondé le fonds d’indemnisation que sous la pression des campagnes citoyennes, comme Auchan ou Benetton.
Grâce au lancement d’une pétition internationale en mai 2013, ayant recueilli plus d’1 million de signatures en une semaine, l’Accord sur la sécurité des bâtiments au Bangladesh a été signé par 260 multinationales de l’habillement avec les organisations syndicales du Bangladesh et internationales, sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour une durée de 5 ans.
Couvrant 1600 usines et 2 millions de travailleurs, cet Accord contraint les multinationales signataires à financer un système indépendant d’inspection des usines de leurs fournisseurs, et prévoit la mise en place des réparations nécessaires, tout en garantissant l’emploi et les salaires des ouvriers en cas de fermeture d’usine. Seule initiative transparente, indépendante, et juridiquement contraignante ayant permis de sécuriser une grande partie des usines de confection, il est concurrencé par l’Alliance, une initiative biaisée, non contraignante, créée et pilotée par 27 multinationales qui ont refusé de le signer.
En France, nous sommes parvenus à faire adopter, le 21 février 2017, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneurs d’ordre.
Ce texte constitue une première mesure historique pour prévenir des drames tels que l’effondrement du Rana Plaza, pour entamer l’impunité dont bénéficient les acteurs les plus puissants de la mondialisation économique et pour la protection des droits et libertés fondamentaux et de l’environnement.
C’est désormais aux niveaux européen et international que la construction de législations contraignantes doit se poursuivre. La France doit passer le relais et porter cette initiative au niveau européen et en s’impliquant dans les processus internationaux qui vont dans le même sens, tel que le projet de Traité onusien sur les multinationales et les droits humains, afin de garantir une mondialisation plus respectueuse des hommes et de l’environnement.
Malgré ces avancées, le Bangladesh demeure le pays de la production textile à bas coût où les violations des droits humains au travail sont toujours trop fréquentes. Malgré des évolutions du code local du travail, les ouvrier-e-s du Bangladesh, 2ème pays exportateur de textile habillement dans le monde, continuent de travailler dans des conditions déplorables : salaires de misère (60€ par mois), rythme harassant, brimades, harcèlement, refus du congé maternité, heures supplémentaires non payées. Ils subissent toujours une forte répression syndicale. Surtout, les marques d’habillement n’ont pas fait évoluer leur modèle économique. Elles cherchent toujours à minimiser les coûts de production, au premier rang desquels les salaires, pour maximiser les profits.