Collectif Éthique sur l’étiquette

Bangladesh : la répression syndicale doit cesser



En décembre 2016, et pendant plusieurs mois, les ouvriers du textile et les syndicalistes au Bangladesh on fait l’objet d’une répression de la part des autorités bangladaises et des patrons d’usines. Elle s’est atténuée grâce à la mobilisation internationale, mais ces actes sont récurrents. Malgré les accords conclus entre l’Union Européenne, le Bangladesh et l’Organisation Internationale du Travail après l’effondrement du Rana Plaza pour améliorer les conditions de travail des ouvriers du textile, les violations des droits fondamentaux perdurent. Le gouvernement du Bangladesh doit cesser cette répression qui viole les conventions minimum de l’Organisation Internationale du Travail. Le Collectif Ethique sur l’étiquette demande à l’Union Européenne, partenaire économique central du Bangladesh dans le cadre du Système de Préférence Généralisée (GSP), l’ouverture d’une enquête qui pourrait remettre en question les avantages octroyés au Bangladesh pour l’accès de ses produits au marché européen.

Fin décembre 2016, près de 3000 ouvriers du textile qui avaient protesté pour une augmentation de salaires, ainsi que des syndicats et des organisations qui les défendent, ont fait l’objet pendant plusieurs mois d’une répression de la part des autorités bangladaises et des patrons d’usines. Un mouvement de grève avait démarré le 12 décembre dans une usine du quartier d’Ashulia à Dacca, dont les travailleurs exigeaient une augmentation salariale afin d’atteindre 15.000 BDT/ mois (182 EUR), soit près de trois fois le salaire minimum actuel de 5.300 BDT (60 EUR). Il s’était ensuite étendu à d’autres usines de la région. Le 20 décembre, en mesure de rétorsion, la BGMEA (Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association), l’association des fabricants et des exportateurs du textile, avait ordonné la fermeture de 59 usines, conduisant au licenciement de près de 1600 ouvriers. Parmi eux, plusieurs centaines ont fait l’objet de plaintes déposées par le gouvernement et la BGMEA auprès de la police d’Ashulia pour vandalisme, pillage, menaces ou atteintes aux forces de l’ordre, et 34 leaders syndicaux ont été arrêtés et détenus pendant plusieurs semaines. Ces arrestations avaient été faites sur la base de l’Acte 1974, une loi qui octroie des "pouvoirs spéciaux" au gouvernement, lui permettant d’incarcérer des personnes préventivement sans motif.

Depuis, une mobilisation internationale a permis la libération de l’ensemble des ouvriers et des syndicalistes et la réintégration des 1600 ouvriers licenciés. Dès le mois de décembre, le Collectif Ethique sur l’étiquette et la Clean Clothes Campaign avaient interpellé l’Union Européenne et près 60 marques et enseignes qui se fournissent au Bangladesh, parmi lesquelles H&M, GAP, Zara, C&A et Next, pour leur demander d’exiger du gouvernement bangladais et de la BGMEA qu’ils annulent les plaintes non fondées, acceptent des négociations sur le salaire minimum et stoppent toute forme de répression.

Si cette action a permis la libération des ouvriers détenus et la réintégration de ceux licenciés, les plaintes déposées contre les ouvriers n’ont toujours pas été retirées et les menaces et les intimidations perdurent.

Ces actes de répression sont une tentative de faire taire les travailleurs et les syndicalistes qui dénoncent les salaires de misère et les conditions de travail indignes dans les usines bangladaises.

Nous demandons à l’Union Européenne, partenaire économique central du Bangladesh, d’ouvrir une enquête dans le cadre du "GSP ", un programme qui permet aux pays en développement comme le Bangladesh de bénéficier d’avantages tarifaires lors des échanges commerciaux avec l’UE. Cette enquête doit permettre de faire la lumière sur l’état des réformes imposées au Bangladesh pour s’assurer que les droits fondamentaux des ouvriers du textile au Bangladesh sont respectés, et de revenir le cas échéant sur ces avantages commerciaux. En savoir plus.

Actualisations
 Mai 2017 : A l’occasion de la 3ème révision annuelle du "Sustainability Compact" signé en 2013 suite au drame du Rana Plaza (voir notre bilan "Rana Plaza, 4 ans déjà".) entre l’OIT, l’Union Européenne et le gouvernement du Bangladesh pour améliorer les conditions de travail des ouvriers du textile bangladais et assurer le respect des conventions fondamentales de l’OIT, nous demandons à l’UE l’ouverture d’une enquête au Bangladesh. En savoir plus.

 Mars 2017 : Sous la pression des organisations internationales de défense des droits de l’homme, les 5 principales marques qui se fournissent au Bangladesh - H&M, Inditex, C&A, Next et Tchibo - ont refusé de participer au sommet annuel du textile organisé le 25 février par le BGMEA En savoir plus.

 Février 2017 : Le 23 février, à la suite des négociations entre les représentants du syndicat IndustriALL, la BGMEA et le Ministère de l’Emploi et du Travail, le gouvernement bangladais a annoncé la libération de l’ensemble des leaders syndicaux et des travailleurs détenus et la réembauche des 1600 ouvriers licenciés. Si ces déclarations sont une première étape vers la fin de la répression, aucun document officiel ne l’attestent et les plaintes déposées contre les ouvriers n’ont toujours pas été retirées.En savoir plus.


AGISSEZ AVEC NOUS
Les organisations de défense des droits humains au travail ont lancé une pétition adressée aux marques qui se fournissent au Bangladesh pour exiger que le gouvernement bangladais stoppe immédiatement la répression des travailleurs et lève les charges à l’encontre des leaders et activistes syndicaux.
 Pétition adressée aux marques qui se fournissent au Bangladesh : signez


EN SAVOIR PLUS

Les inquiétudes du Collectif Éthique sur l’étiquette et de ses alliés sont d’autant plus fortes que la répression des syndicalistes et des défenseurs des droits des travailleurs au Bangladesh survient peu après l’adoption par le parlement bangladais en octobre 2016, d’une nouvelle loi sur la réglementation des donations étrangères qui permet au gouvernement de suspendre et même de mettre fin aux activités d’une ONG locale si elle participe à des activités contre l’État, finance l’extrémisme ou des activités terroristes, ou "fait des commentaires désobligeants à propos de la Constitution ou des institutions constitutionnelles" du Bangladesh. Le type de remarques pouvant être considéré comme insultant et désobligeant n’a pas été précisé.
Cette loi ne respecte pas les normes internationales en matière de liberté d’association et pourrait restreindre d’autant plus l’espace des ONG de défense des droits humains au Bangladesh.

Les organisations de défense des droits humains au travail sont déjà intervenues plusieurs fois au Bangladesh pour mettre fin à des actes de violation des droits des travailleurs. En 2010, Babul Akhter, le président de la Fédération bangladaise des travailleurs indépendants du textile (Bangladesh Garment and Independent Workers Federation) et deux militants, Aminul Islam et Kalpona Akter, ont été arrêtés lors d’une grève pour l’augmentation du salaire minimum, lors de leur détention par les forces de sécurité. 18 mois plus tard Aminul Islam avait été retrouvé mort assassiné. Et alors que toutes les preuves tendaient à désigner les forces de sécurité comme responsable de son meurtre, aucune enquête n’avait été ouverte. À ce jour, le meurtre de Aminul Islam n’est toujours pas élucidé.

Lire l’article de Clean Clothes Campaign