Des droits pour les peuples,
des règles pour les multinationales

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La campagne

La campagne vise à exercer une pression citoyenne pour mettre fin au système d’arbitrage entre investisseurs et États et obtenir des avancées notables en droit international afin de pouvoir garantir l’accès à la justice pour les peuples et communautés affectés par les abus des entreprises multinationales.

Les acteurs de cette campagne demandent de :

  • Mettre fin à l’arbitrage investisseur-Etat
  • Rendre les multinationales juridiquement responsables.

Mettre fin à l’arbitrage investisseur-Etat

L’arbitrage investisseur-Etat (ou ISDS en anglais pour Investor-State Dispute Settlement), mis en place en 1965 à l’initiative de la Banque mondiale, est aujourd’hui présent dans plus de 3400 accords internationaux, dont plus de 1400 conclus par des États membres de l’Union européenne, y compris parfois entre eux (196). Ce système qui permet aux investisseurs d’attaquer en justice des Etats par l’intermédiaire d’un système de justice parallèle ne cesse de croître et a déjà généré plus de 900 plaintes.

Aucun domaine n’est épargné par les entreprises et les investisseurs qui l’utilisent notamment pour remettre en cause des politiques publiques d’intérêt général relatives à la santé, la fiscalité, l’environnement ou au salaire minimum.

Ce mécanisme très controversé a été au coeur des mouvements de contestation massifs contre le TAFTA et le CETA. Malgré cette vague sans précédent de mobilisation, l’Union européenne promeut l’insertion d’un tel mécanisme dans un grand nombre d’accords en préparation (Canada, Japon, Singapour, Vietnam, etc.). Elle oeuvre également en faveur d’un projet de Cour multilatérale d’investissement (MIC, pour Multilateral Investment Court, en anglais) pour relégitimer l’arbitrage et étendre encore davantage les droits exorbitants accordés aux investisseurs.

Mais ce mouvement n’est pas immuable. Plusieurs Etats font des choix très différents. Le Brésil n’a jamais ratifié d’accord incluant de mécanisme d’arbitrage d’investissement jusqu’à ce jour. La Nouvelle Zélande choisit désormais de restreindre fortement les investisseurs qui peuvent bénéficier de tels droits. Quant aux États-Unis et au Canada, qui avaient été les premiers pays développés à instaurer un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États entre eux, dans le cadre de l’ALENA en 1994, ils viennent de décider d’y mettre fin.
Enfin, les fondements juridiques même de ce dispositifs sont remis en question. La Cour de justice de l’Union européenne a déclaré l’an dernier que le mécanisme d’arbitrage d’investissement entre la Slovaquie et les Pays-Bas n’était pas conforme au droit européen. Saisie par la Belgique, elle est en train d’examiner maintenant le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats inscrit dans le CETA. Et 22 Etats-membres de l’Union européenne, dont la France, viennent de rendre publique ce jeudi 15 janvier une déclaration préconisant de résilier les traités bilatéraux d’investissement intra-UE et de faire en sorte qu’aucune nouvelle procédure d’arbitrage en matière d’investissements intra-UE ne soit engagée.

Rendre les multinationales juridiquement responsables.

Le 27 mars 2017, la France a promulgué la « loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre », dite « loi sur le devoir de vigilance ». Cette loi marque une étape historique dans la protection des droits humains et de l’environnement en imposant aux entreprises françaises une obligation de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement pouvant résulter de leurs activités et celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants de par le monde. Il faut maintenant veiller à ce que cette loi soit appliquée comme il se doit. 2019 est pour cela une année cruciale, puisque les premières actions devant les tribunaux français au nom de cette loi sont désormais possibles.

Unique au monde, la loi sur le devoir de vigilance s’insère néanmoins dans un cadre juridique international en évolution rapide. A l’échelon national comme international, diverses initiatives sont en cours pour rendre les multinationales redevables de leurs actes devant la justice.

Au niveau onusien, plus de 40 ans après la création du Centre des Nations-Unies sur les sociétés transnationales en 1974, des négociations ont débuté en 2015 afin d’élaborer un traité contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement (“traité ONU”). En effet, le Conseil des droits de l’Homme a adopté en 2014 la résolution 26/9, créant un groupe de travail intergouvernemental afin de négocier la mise en place d’un instrument international juridiquement contraignant sur les entreprises multinationales et les droits humains. En octobre 2018, ce processus de négociation a franchi une étape importante, une première version de traité ayant été soumise à la négociation des 196 Etats membres des Nations Unies - une première dans l’enceinte onusienne en terme de régulation des entreprises multinationales. Alors que l’Union européenne multiplie les manoeuvres d’obstruction, la France, forte de sa loi sur le devoir de vigilance, soutient la poursuite du processus de négociations.

En Europe, par ailleurs, plusieurs pays ont déjà engagé des réformes législatives relatives à la responsabilité des sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordre, à l’instar de la Suisse et de son “initiative pour des entreprises responsables”, ou encore des Pays-Bas, où un projet de loi sur le devoir de vigilance appliqué au travail des enfants est en attente d’adoption au Sénat. En Allemagne, en Espagne, en Italie, en Finlande ou au Luxembourg, des campagnes de mobilisation citoyenne et des partis politiques se sont également engagés en faveur de lois relatives au devoir de vigilance.

Au niveau de l’Union européenne, enfin, des règles en faveur d’une plus grande redevabilité des entreprises commencent à émerger, pour le moment avec une approche sectorielle qui risque d’aboutir à d’innombrables vides juridiques : le niveau de régulation risque vraisemblablement d’être différent selon les secteurs, et certains secteurs ne seront pas couverts. C’est pourquoi de nombreuses institutions européennes, dont le Parlement européen, plaident pour l’adoption d’une directive européenne relative au devoir de vigilance qui s’inspirerait de la loi française. Le vice-président à la Commission européenne Frans Timmermans s’est exprimé dans ce sens lors d’une conférence publique le 30 octobre 2018, affirmant que “nous avons besoin de réglementations applicables. Si nous ne les obtenons pas au niveau global, l’Europe doit être leader”.

La position de la France sur ces thématiques

A la suite de l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance en 2017, la France a déployé un discours plus favorable à l’adoption d’une directive européenne et du traité onusien que ses partenaires européens. Dans sa stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, la France s’engage ainsi explicitement à “soutenir la mise en place d’un devoir de vigilance a l’échelle européenne et internationale, évaluer les possibilités de son renforcement sur le territoire national”. En ce sens, les parlementaires et le gouvernement français portent une responsabilité majeure pour faire bouger les lignes au sein de l’Union européenne, comme ils s’y sont engagés publiquement.

Néanmoins, en parallèle, la France a participé activement à la relégitimation de l’arbitrage d’investissement dans le CETA et promeut fortement la politique de l’Union européenne dans ce domaine.