Collectif Éthique sur l’étiquette

Nouvel incendie meurtrier d’une usine en Inde

Il est urgent d’adopter des mesures de prévention et de justice

L’incendie de l’usine Nandan Denim, dans la ville d’Ahmedabad, en Inde, dans la nuit du samedi 8 février dernier a tué au moins sept travailleur·euse·s. Ce lourd bilan est le résultat de graves défauts de sécurité dans l’usine. L’incendie met, s’il en était encore besoin, en lumière l’urgence de mettre en place des mesures de prévention en matière de sécurité pour toute l’industrie du textile en Inde.

Sur son site, l’usine affirme être l’un des plus grands fabricants de tissu denim et, sur une page depuis supprimée, citait plusieurs grandes marques de prêt-à-porter comme Wrangler, Zara, Joe Fresh, VF Corp., Ralph Lauren et Primark parmi ses clients. La plupart de ces entreprises ont nié s’approvisionner auprès de cette usine, et cette dernière a indiqué que la production de cette unité était surtout destinée au marché local. Malgré ces démentis, la base de données américaine sur les importations Import Genius affiche plusieurs livraisons en bateau provenant de cette usine.

Nandan Denim n’était pas une usine cachée, hors de portée des multinationales ou des cabinets d’audit. Le fait qu’une usine d’une telle envergure fournissant des marques internationales puisse maintenir en fonctionnement des unités qui sont des pièges mortels est un signe inquiétant pour la sécurité des ouvriers et ouvrières des nombreux sous-traitants et fabricants dans le pays. Des media ont indiqué que le bâtiment ne disposait que d’une seule sortie, accessible par une échelle, et d’aucun système d’alarme. Après que plus de 40 ouvrier·e·s ont trouvé la mort dans un incendie à New Delhi en décembre dernier et qu’au moins dix autres incendies ou accidents graves ont été signalés dans la même zone pour la seule année dernière, ce nouvel incendie montre une fois de plus l’urgence à prendre des mesures structurelles de prévention dans l’industrie textile indienne.

Il est profondément inquiétant que de telles violations des normes incendie dans une usine d’une telle importance aient échappé aux institutions gouvernementales et aux marques internationales. Cela signifie que les systèmes de contrôle des multinationales ont échoué à détecter l’absence d’issues de secours fiables et d’autres mesures de sécurité, ou n’y ont pas remédié – et sont donc défaillants.
Sans programme indépendant, transparent et juridiquement contraignant permettant des inspections, des réparations, des formations et un mécanisme de recours pour les travailleur·euse·s, des tragédies comme celle-ci et celle du mois de décembre continueront de se produire. Le Rana Plaza et ses enseignements semblent déjà loin.

Ashim Roy, président du syndicat Mill Mazdoor Panchayat, a déclaré : « L’incendie de l’usine de Nandan Denim met en lumière l’absence grossière de réglementation dans ce vaste centre de production de tissu denim approvisionnant des marques internationales. Les normes en matière de travail, d’incendie, de sécurité et d’infrastructure ont été enfreintes. Les grandes marques sont tout autant responsables de la sécurité de leurs chaînes d’approvisionnement que de l’indemnisation des ouvrier·e·s affecté·e·s par l’incendie. »

Il est essentiel que les familles des ouvrier·e·s tué·e·s et les personnes blessées reçoivent une indemnisation couvrant au minimum les pertes de revenus et les frais médicaux, conformément aux dispositions de la Convention 121 de l’OIT. L’indemnisation d’un million de roupies (13 000 euros) promise par l’usine, ainsi que son engagement à employer les membres des familles des travailleur·euse·s décédées sont un premier pas mais la responsabilité vis-à-vis de la chaîne d’approvisionnement ne devrait être pas être un accord ponctuel. Elle doit prévoir l’obligation de rendre des comptes pour les donneurs d’ordres.

D’autres mesures destinées à permettre l’accès à la justice des victimes sont en cours. La police a arrêté le propriétaire, le directeur et le responsable de la sécurité incendie de Nandan Denim et a inculpé six personnes de la société mère de l’usine pour homicide et négligence.

C’est un début de justice. Elle demeure toutefois circonscrite aux acteurs locaux. Cela montre, 7 ans bientôt après le tragique accident du Rana Plaza, que sans une justice qui rendrait responsable les grands donneurs d’ordre internationaux pour les impacts sociaux et environnementaux de leur activité, l’on doit s’attendre à de nouveaux drames. Il est temps de mettre un terme à ce déséquilibre et à l’impunité des multinationales pour prévenir de nouveaux drames, en adoptant un traité sur les multinationales et les droits humains.