En six ans, plus de 500 personnes ont trouvé la mort dans des incendies d’usines d’habillement au Bangladesh. La plupart fabriquaient des vêtements pour le compte de grandes marques internationales qui peuvent et doivent agir pour prévenir ces drames. Ces derniers mois, deux entreprises ont signé un accord sur la sécurité et la prévention des incendies. Cet accord, conçu en lien avec les organisations locales et internationales, suscite de grands espoirs. Mais pour produire des effets, il doit être signé par davantage d’entreprises. Or la multinationale Gap, qui s’était engagée dans le processus de négociation, vient de l’interrompre brutalement. Des centaines de vies sont en jeu : aidez-nous à faire pression sur Gap pour qu’elle revoie sa position !
Les conditions de sécurité dans l’industrie de l’habillement au Bangladesh figurent parmi les pires au monde. Bâtiments défectueux, procédures d’urgence inadéquates, sorties de secours bloquées, ateliers bondés… Les accidents dramatiques de ces dernières années témoignent des conditions déplorables dans lesquelles travaillent les ouvriers-ères de l’habillement de ce pays.
Des morts qui pourraient être évitées
En 2005, l’effondrement de l’usine Spectrum tuait 64 personnes, en blessait 74 autres, et ouvrait la voie à une véritable série noire. Ainsi, un an plus tard, une suite d’incendies frappait les usines de KTS Textile, Imam et Sayem Fashion, tuant 85 personnes et en blessant 207 autres. En cause : des installations électriques défectueuses, des sorties de secours bloquées ou inaccessibles et l’absence d’alarmes incendie.
En février 2010, un court-circuit déclencha l’incendie de l’usine Garib & Garib, tuant 21 personnes et en blessant 50 autres. L’entreprise Gap était directement concernée quelques mois plus tard, en décembre 2010, lorsque l’usine de son fournisseur That’s It Sportswear prit feu à la suite d’un court-circuit électrique. 29 personnes périrent et 11 furent blessées dans l’incendie et dans le mouvement de panique qu’il provoqua. Ici encore, les sorties de secours avaient été bloquées et l’hélicoptère des pompiers qui tentait d’évacuer les employé-e-s ne put pas se poser sur le toit.
Aucun de ces accidents tragiques n’était inéluctable. Tous auraient pu être évités si les usines avaient adopté des procédures de sécurité adéquates, si les installations électriques avaient été vérifiées et les bâtiments vétustes réparés, si les sorties de secours avaient été dégagées, si les extincteurs avaient été en état de marche… bref, si les règles élémentaires de sécurité avaient été respectées.
Un programme qui redonne espoir
Peuples Solidaires, le Collectif Éthique sur l’étiquette et leurs partenaires internationaux se mobilisent depuis huit ans pour pousser les marques à améliorer les conditions de travail et de sécurité dans les usines d’habillement au Bangladesh. Des avancées ont déjà été obtenues, comme la juste indemnisation des victimes de l’effondrement de Spectrum. Mais c’est en 2012 qu’un pas important a été accompli. En mars, l’entreprise américaine Philips Van Heusen (qui détient les marques Tommy Hilfiger et Calvin Klein) a signé un accord de sécurité et de prévention des incendies avec des syndicats et ONG bangladais et internationaux.
Établi en concertation avec les représentant- e-s des travailleur-se-s, cet accord innovant pose les jalons d’un programme réellement indépendant, contraignant et transparent, qui redonne espoir aux ouvrier-ère-s du secteur. Il prévoit des inspections par des expert-e-s indépendant-e-s, dont l’ensemble des résultats sera publié ; l’obligation de rénover et réparer les locaux et matériels qui ne seraient pas aux normes ; un rôle central pour les travailleurs-ses et leurs représentant-e-s qui pourront sensibiliser les ouvriers-ères aux conditions de santé et sécurité ; la prise en compte, dans les contrats avec les fournisseurs,du coût lié à la sécurisation des usines. Il est enfin assorti de l’obligation juridique, pour les marques qui le signent, de respecter leurs engagements.
Pour que ce programme puisse être rapidement mis en œuvre, il est absolument indispensable que d’autres marques signent cet accord.
Gap pour un « travail sain et sans danger » ?
En septembre 2012, le distributeur allemand Tchibo a emboîté le pas de Philips Van Heusen en signant l’accord. Les regards se sont alors portés vers la multinationale Gap qui s’était, elle aussi, engagée dans le processus. Mais la marque a brutalement interrompu les négociations et, au lieu de signer l’accord, a décidé de lancer une initiative parallèle qui n’est ni indépendante, ni contraignante, ni transparente !
Gap s’est pourtant engagée, via son code de conduite, à « fournir un lieu de travail sain et sans danger à (ses) employés, (…) fournisseurs et (…) sous-traitants » (1). Une promesse qu’il n’est pas encore trop tard pour tenir : avec nous, interpellez la marque pour qu’elle assume ses responsabilités en signant immédiatement l’accord promu par les travailleur-se-s du Bangladesh !
(1) Cf. http://www.gapinc.com/content/dam/gapincsite/documents/COBC/Code_French.pdf